Les Mystères du Weiqi
 
                             -- Règles d’Or du Roi --
 
                        d’après Youyi Chen, traduit et adapté par Laurent Lamôle
 

Partie 9 : Bǐ Qiáng Zì Bǎo   ( 彼 强 自 保 )


La règle d’or numéro 9 est : « Bǐ Qiáng Zì Bǎo ».

Bǐ = l’autre (votre adversaire)
Qiáng = fort, puissant
Zì = soit même (vous)
Bǎo = sécurité, protection

Une traduction possible pourrait donc être : « Si votre adversaire est fort, jouez la sécurité ».


Non… l’objet de ce proverbe n’est pas de vous dire ce que vous devez faire si vous êtes 6 kyu, et que vous affrontez quelqu'un de beaucoup plus fort que vous (6 dan !?). Pour comprendre ce proverbe, il nous faut donc tout d’abord définir que ce que appelons « fort », sur un plateau de go. En fait, rien sur un goban ne représente plus l’idée de « force » que la notion d’influence.

Qu’avons nous à l’esprit au cours d’une partie de go, lorsque nous recherchons notre prochain coup à jouer ? Des proverbes, des joseki, des formes que nous avons étudiées dans des livres ou bien vues dans des parties de forts joueurs, etc… Malheureusement, si l’on ne considère pas les forces ou les faiblesses en présence sur l’ensemble du goban, un coup correct selon un proverbe ou un joseki connu, s’avère souvent donner un mauvais résultat dans notre partie.

Voici l’interprétation de « Bi Qiang Zi Biao » que fait Otake Hideo : « Quand votre adversaire possède un groupe fort, vous devez aussi protéger les votres en les renforçant. Ne vous approchez jamais de la force adverse. ».

Voyons maintenant un exemple proposé par Otake :

   A B C D E F G H J K L M N O P Q R S T
19 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
18 . . # # O . . . . . . . . . . . . . .
17 . . # O . O . . . # . . . . . . . . .
16 . # # O . . . . . . . . . ? . # . . .        Board 1
15 . # O # O . . . . . . . . . . . . . .
14 . O O . . . . . . . . . . . . . . . .
13 . . O . . . . . . . . . . . . . . . .
12 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .(1)
 

La forme blanche à gauche est tellement puissante que les pierres noires K17 et Q16 se révèlent très faibles. Noir doit donc jouer O16 afin de se renforcer.
Sans ce coup de protection, on peux arriver à la position suivante :

 
   A B C D E F G H J K L M N O P Q R S T
19 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
18 . . # # O . . . . . . . . . . . . . .
17 . . # O . O . . . # . O . . . . . . .
16 . # # O . . . . . . . . . . . # . . .       Board 2
15 . # O # O . . . . # . O . . . . . . .
14 . O O . . . . . . . . . . . . . . . .
13 . . O . . . . . . # . O . . . . . . .
12 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .(2)
 

Cet exemple vous semble simple ? Bien… rendons le plus délicat en enlevant la Pierre noire K17 :

 
   A B C D E F G H J K L M N O P Q R S T
19 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
18 . . # # O . . . . . . . . . . . . . .
17 . . # O . O . . . . ? . ? . . . . . .
16 . # # O . . . . . . . . . ? . # . . .        Board 3
15 . # O # O . . . . . . . . . . . . . .
14 . O O . . . . . . . . . . . . . . . .
13 . . O . . . . . . . . . . . . . . . .
12 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .(3)
 

A nouveau, c’est à noir de jouer. Cette fois ci, Q16 est assez loin de la force blanche de gauche. Cependant, avec le diagramme (2) à l’esprit, on peut penser que le bon coup pour noir est en N17 et non K17. De la même manière, si noir O16 était déjà en place, alors le coup suivant de noir serait en L17 et non en K17.
Toujours trop simple ? Bien… revenons au diagramme (1) :

 
   A B C D E F G H J K L M N O P Q R S T
19 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
18 . . # # O . . . . . . . . . . . . . .
17 . . # O . O . . . # . . ? . . . . . .       Board 4
16 . # # O . . . . . . . . . ? . # . . .
15 . # O # O . . . . . . . . . . . . . .
14 . O O . . . . . . . . . . . . . . . .
13 . . O . . . . . . . . . . . . . . . .
12 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
 

Pourquoi devons nous protéger en O16 ? Pourquoi pas en N17 ? On pourrait aussi argumenter que N17 protège mieux K17, pourtant cela n’est pas satisfaisant à cause du coin qui reste ouvert…

Voyons enfin une position tirée d’une partie réelle : Otake - Kobayashi (Meijin 1992). Kobayashi doit protéger ses trois pierres du bord gauche.

   A B C D E F G H J K L M N O P Q R S T
19 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
18 . . # O . . . . . . # O O . . . . . . 18 White: Otake Meijin;
17 . . # . . . . . O O # # O . . O O . . 17 Black: Kobayashi 9p;
16 . # . O . O . . O # . # . O . # . . . 16
15 . # O . . . . . . # . . # . . . # . . 15
14 . # # O . . . . . . . . . . . # O . . 14
13 . . O . O . . . . . . . . . . O # . . 13
12 . . O O . . . . . . . . . . . . # . . 12
11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
10 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
 9 . . ? . . . . . . . . . . . . . . . .  9
 8 . . . . . # . O . . . . . . . # . . .  8
 7 . . # # . . . . . . . . O . O . . . .  7
 6 . . O . . . . . . . . O # O . # . . .  6
 5 . . . O . O . . . . # # # O . . # . .  5
 4 . . . . . . . O . # # O O O # . . . .  4
 3 . . O . . # . # # # O O . O . # . . .  3
 2 . . . O # . . . . . # O . . O # . . .  2
 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  1
   A B C D E F G H J K L M N O P Q R S T
 

Une solution qui vient à l’esprit est de jouer en C10, après que Otake aie joué son 80e coup en D2. Pourtant, Kobayashi joua en C9. En effet, blanc est tellement fort autour de C12 que même le coup C10 n’assurerait par à noir une position solide. Par ailleurs, C10 n’aurait aucun effet sur la force blanche, cela reviendrait à « lancer des œufs contre un mur de pierre ».