Le mythe du dragon à
travers les âges
Animal fabuleux qui figure dans la mythologie et dans
les légendes populaires de presque tous les pays, le dragon est l'une des
créatures mythiques les plus connues et les plus mystérieuses qu'il soit
données de voir dans une mythologie. Il est le plus souvent figuré sous
l'aspect d'un serpent ailé, avec une tête monstrueuse. Il est recouvert
d'écailles, souvent vertes, armé de griffes et de dents aiguës, d'un dard
menaçant, et vomit des flammes par la bouche. Dans l'Antiquité et au Moyen Âge,
le dragon joue un rôle important dans les légendes héroïques. Citons chez les
Grecs les dragons de la Colchide, celui du jardin des Hespérides, ceux de la
fontaine de Castalie, le monstre que tua Persée, et, au Moyen Âge, les dragons
tués par le chevalier Gozon et le chevalier de Belzunce, et ceux qui figurent
dans l'Arioste. La victoire sur un dragon est d'ailleurs l'exploit qui couronne
la vie de maints héros légendaires du Moyen Âge: le roi Arthur, Lancelot,
Tristan, Siegfried, saint Georges, saint Marcel (qui vint à bout de celui de
Paris), etc. On trouve aussi des exploits de ce genre dans la mythologie
scandinave et chez les peuples asiatiques, notamment dans les légendes
annamites et chinoises. Le dragon figure même dans le Nouveau Testament
(Apocalypse), où il symbolise la puissance de Satan; on le retrouve dans l'iconographie
de saint Michel.
La Chimère est une variante du thème du dragon. C'est un monstre fabuleux de la
mythologie classique, à tête de lion, corps de chèvre et queue de dragon. Elle
fut tuée par Bellérophon, monté sur Pégase. La tarasque est un monstre
légendaire qui désolait la Provence: elle était amphibie, avec une tête de
lion, six pattes, et une queue de serpent; son souffle répandait une odeur
pestilentielle. Elle fut maîtrisée par sainte Marthe. La légende de la tarasque
s'est perpétuée à Tarascon, ville qui lui doit son nom, par la fête de la
Tarasque, au cours de laquelle une reproduction du monstre est portée par douze
hommes.
Les légendes de dragons ne semblent guère avoir été inspirées par les grands
reptiles ou par les restes de dinosaures, qui étaient d'ailleurs, jadis, mal
interprétés. Les dragons sont plutôt les incarnations des forces obscures de la
nature ou de calamités naturelles: volcans dans le cas de la Chimère, crues du
Rhône dans celui de la tarasque. Il est à noter que le dragon qui est très
généralement présenté comme un symbole du Mal, est au contraire considéré comme
bienfaisant dans la culture chinoise où il incarne le yang, principe mâle du
cosmos.
D'ailleurs, il est fait mention du dragon dans les
mythologies primordiales, il y a plus de 5000 ans avant notre ère, où il est
déjà un serpent énorme et doté d'un grand esprit. Il est un dieu, à l'origine
même du monde. La mythologie assyro-babylonienne nous présente le dragon sous
cette forme. L’eau est l’élément primordial, et c’est de la fusion de l’eau
douce (Apsou) et de l’eau salée (Tiamat), incarnés par deux dragons que
naissent tous les êtres et les dieux qui suivent. Ainsi les premières divinités
qu’ils engendrent sont Lahmou et Iahamou, qui eux-mêmes engendreront les principes
mâle (céleste) et femelle (terrestre) qui donneront vie à de grands dieux puis
à l'humanité.
Dans la continuité de la cosmogonie assyrienne, Apsou se plaignit que les
nouveaux dieux, plus perfectionnés et habiles, prissent le pouvoir, et complota
avec son épouse Tiamat pour éliminer leur descendance. Les deux dragons
primordiaux furent assassinés l’un après l’autre en combat singulier, et le
corps de Tiamat la sorcière découpé en deux moitiés : l’une fit la voûte du
ciel, et l’autre le monde terrestre.
Curieusement, dans de nombreux récits de la création du monde, les dragons
occupent une place essentielle dans la formation de la cosmogonie, et de ce qui
devient la Terre. Bien avant la vision terrible qu’en présentent les Livres
saints de notre cosmogonie contemporaine (celle des religions les plus
récentes, le Judaïsme, l’Islam et la Chrétienté, qui ont des racines
identiques), l’image d’un tentateur ou d’un monstre dangereux ennemi des
hommes, le dragon a été vu comme une créature puissante et respectable, symbole
mystique d’une union entre le Ciel et la Terre.
Pour certains, les dragons était le nom donné à la
race supérieure des Atlantes, ces hommes que Platon décrivait comme antérieurs
à l’homme de la Terre et dotés par les dieux d’un pouvoir surhumain ainsi que
d’une grande science. En héraldique, le dragon est un emblème noble à
rapprocher de la bravoure ; et n’oublions que, bien qu’il soit la créature à
abattre par excellence, la rencontre du héros avec le dragon détermine ne sort
de celui-ci dans l’aventure et sa quête de gloire ! Quant aux Hindous, ils
parlent des Nagas, ces êtres féériques qui se parent d’écailles et de plumes
d’oiseau, et dont le chant merveilleux emplit les cœurs d’amour et de
tristesse… Selon les Aztèques encore, les dieux frères Tezcatlipoca et
Quetzalcoatl s’affrontent sans cesse pour la domination du monde. Le premier
est un jaguar, dieu guerrier et avide de sacrifices ; l’autre est un serpent à
plume, sage, pacifique et avisé.
On peut trouver maintes explications à la fascination
des hommes de toutes les époques et de toutes les religions pour cet animal
fantastique. Assurément, l’aspect du serpent, à la fois lisse et froid,
glissant comme sur de l’eau et sinueux comme un mensonge, a inspiré nombre de
conteurs ; sa morsure parfois mortelle a dû impressionner plus d’un homme, pour
faire entre tous de cet animal le symbole du péché. Cette métaphore aisée, qui
le compare d’ailleurs à une femme, n’est pas si éloignée de la conception d’un
dragon bénéfique et conseiller, tel qu’il est vu dans la philosophie chinoise
notamment. De nombreuses légendes rapportent des transformations de femmes en
serpents, et de serpents en femmes ; il y eu des Mélusine et des vouivres dans
toutes les civilisations. Cela étant sans doute lié à l'apparence ambiguë du
serpent : un animal terrien mais qui se déplace sans membres, qui peut se faire
amphibie à l’occasion et dont le sillon sablonneux ressemble à s’y méprendre au
sillage tracé dans l’eau. Nul doute que c’est le serpent qui a inspiré cette vision
fabuleuse d’un être monstrueux associé à la puissance et à la peur. En dépit de
ces origines communes, le dragon diffère d’aspect selon les mythologies. Il est
terrestre selon le folklore amérindien, sans doute apparenté au varan puisqu’il
se déplace au sol et dévore le gibier ; aquatique et ophidien pour les légendes
marines ; aquatique et aérien d’après les mythes asiatiques, qui le munissent
d’ailes et lui font parfois cracher le feu ; aérien et terrestre en Europe où
il crache souvent le feu, manifestant un caractère des plus belliqueux.
Le mythe du dragon en soi est si complexe, et soumis
à tant de conjectures qu'il ne sera pas étudié complètement ici. Ce qui serait
de toute façon impossible en quelques pages, et c'est pourquoi seules les
mythologies chinoise et scandinaves seront étudiées, elles qui ont engendré
presque toutes les autres en Orient et dans le Septentrion. En effet, de la
culture indo-européenne ont découlé les principales civilisations antiques,
dont ces cosmogonies légendaires présentent beaucoup de caractéristiques. Il
sera laissé à la volonté et au goût du lecteur de s'orienter vers des études et
des récits par exemple grecs, égyptiens ou d'Europe de l'Ouest (l'histoire
médiévale recelant de nombreuses légendes et interprétations à ce sujet,
principalement bibliques)…
Les dragons dans la mythologie
chinoise
Les dragons dans la mythologie germano-scandinave
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