Le Jeu de Go
dans la société

 

Go et culture

Le jeu de go offre plusieurs possibilités de comparaisons dans la société, dont la plus courante est la référence militaire : l'affrontement des deux joueurs peut en effet se voir comme une série de batailles. On constate alors que la philosophie tirée du go, proche de la pensée chinoise classique (Sun Zi : "L’Art de la Guerre"), diffère clairement de la conception occidentale du conflit. Il est en effet possible au jeu de go, de soumettre l'adversaire en limitant au maximum les combats, par principe risqués, coûteux et inutiles ("Remporter cent victoires en cent combats n'est pas ce qu'il y a de mieux ; soumettre l'ennemi sans combattre est ce qu'il y a de mieux", Sun Zi). Mais au contraire en usant d'esquives (citons la Grande Marche de Mao, qui disait s'inspirer du go pour ses batailles), d’encerclements, et surtout en dissociant les échelons tactiques et stratégiques. Cela dit, les combats existent aussi au jeu de go ; mais, ils ne sont qu’un moyen d’arriver à l’objectif stratégique, et non le but ultime de la partie.

Le go, qui est un jeu de stratégie abstrait, permet aussi d'appréhender d’autres types d'affrontements, et d'illustrer notamment de nombreux problèmes micro ou macro-économiques. L'opposition entre stratégie de court et de long terme, la notion de zones d'influence, le risque de surconcentration, les problèmes de retour sur investissement sont des concepts qu'il est beaucoup plus facile d'illustrer sur un goban que dans une réalité, toujours partiellement connue. Lors d’une partie, le joueur de go voit effectivement tous les aspects d'un problème.

 

Go et échecs

Dans "Le petit traité invitant à la découverte de l'art subtil du go", Pérec, Roubaud et Lusson écrivent en 1970 : "Car il faut bien se pénétrer de cette idée : le go, c'est l'anti-échecs...", et suit une critique ironique ("jeu féodal ; manque de nuances dans l'issue de la partie : victoire, perte, nulle ; absence de système permettant de combler l'écart de niveau entre deux joueurs").

Au delà de ces critiques de forme, on peut analyser certaines différences culturelles : "Les Échecs et le Go sont, dans un sens, tous deux des jeux militaires, mais les tactiques militaires représentées dans les Échecs sont d'une époque révolue, où le roi lui-même prenait part au conflit (sa mort signifiant généralement la perte de la bataille) et où la victoire ou la défaite dépendait du courage individuel de certains seigneurs plutôt que de la façon de combattre de certains soldats. Le Go, par contre, ne décrit pas une bataille isolée comme les Échecs, mais toute une campagne de type moderne, dans laquelle ce sont des mouvements stratégiques de masse d'hommes qui décident en fin de compte de la victoire. Des batailles se déroulent en plusieurs endroits du plateau de jeu et certaines, parfois, se déroulent en même temps" (Arthur Smith dans "The game of Go, the national game of Japan").

goban traditionnel

pierres de go

Militairement, la différence essentielle réside dans l'échelle appréhendée. Les échecs symbolisent une bataille qu'il faut remporter, alors que le go se situe au niveau de la campagne avec pour objectif de conquérir des territoires. Stratégiquement, on peut opposer les objectifs de jeu. Le joueur d'échecs doit tuer son adversaire (même si symboliquement le mat empêche la prise) , tandis que le joueur de go va tenter de construire plus, sans nécessairement combattre. Ce dernier essaiera d'ailleurs le plus souvent d'éviter toute humiliation en s'assurant une courte victoire.

Socialement, enfin on opposera un jeu d'échecs très hiérarchisé, où les différentes pièces ont pour priorité ultime de toujours défendre leur roi, à un jeu de go, où chaque pion est identique et tire sa valeur de la place qu'il va occuper et de l'évolution de la partie.

 

Go et informatique

A une époque, où les ordinateurs donnent du fil à retordre aux meilleurs joueurs d'échecs mondiaux, il est curieux de constater que malgré des efforts comparables, les programmeurs peinent à créer un programme de go d’un bon niveau. On est en tout cas très loin, au go, des duels médiatiques des années 1990, entre les ordinateurs d’IBM " Deep Blue ", et le champion du monde d’échecs Garri Kasparov… Ce n’est pourtant pas faute de motivation, puisqu’un un riche Taïwanais, M. Ing, a offert un prix de 1,6 million de dollards, au premier programme de go qui battrait un joueur professionnel !!!

 

Par ailleurs, l’évaluation du niveau de jeu des logiciels de go, fut en son temps assez controversée. Par exemple, le programme " Handtalk " (champion du monde des programmes de go de 1995 à 1997), s’était vu attribué un niveau de 3e kyu par la Nihon Ki-in ; alors que certains joueurs évaluaient son niveau réel à 15e kyu !! En effet, si les programmes peuvent jouer des coups corrects, face à un style de jeu territorial ; ils sont aussi capables de grosses erreurs, en réponse à des coups non orthodoxes, qui mettent en défaut leur analyse.

Pour en revenir à des considérations plus raisonnables, le logiciel " Wulu ", vainqueur de la coupe Ing en l’an 2000, est évalué à 9e kyu ; ce qui correspond au niveau d’un joueur moyen de club.

Les règles du jeu de go sont pourtant très simples... Peut-être faut-il alors chercher les difficultés rencontrées, dans la nature très intuitive du go. L'aspect visuel y est en effet très important : les formes prises par les groupes de pierres sont très expressives pour un joueur humain, mais difficiles à mettre en équation. Il est en tout cas réconfortant de voir, que l’homme peut encore battre la machine, en dépit de toute sa puissance de calcul, grâce à son intuition et sa perception !

 

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