Le go : jeu des moines
et des guerriers

 

Le go tient une place plus importante dans les cultures chinoise, coréenne et japonaise que le jeu d’échecs dans les cultures européennes. En effet, en chine ancienne, depuis la dynastie Tang (618-906) , le go était l’un des " quatre accomplissements " de toute personne cultivée, à l’égal de la poésie, de la musique et de la peinture.

A l’époque des Tang, le taoïsme était en grande faveur à la cour impériale chinoise, ce qui explique peut être le regain d’intérêt pour le jeu de go à partir de cette même période. De même au Japon, tout en étant l’un des jeux préférés des guerriers (qui l’appréciaient pour son aspect militaire) ; le go fut aussi, paradoxalement, l’un des jeux favoris des moines bouddhistes (qui s’attachaient à son aspect philosophique).

Voici un témoignage de Bo Juyi, un poète chinois de grand renom qui vécut à cette époque (772-846) :

Des moines de la montagne sont assis jouant au go.
Sur le tablier l’ombre lumineuse des bambous.
On ne voit personne à travers le feuillage chatoyant.
Mais de temps en temps on entend le claquement d’une pierre.

La légende suivante est racontée dans un recueil chinois compilé en 668 :

" Le patriarche de la secte bouddhiste Zen, Bodhidharma, rencontra aux Indes deux moines étranges et plutôt sales, qui depuis des années ne faisaient que jouer au go, et pour cette raison étaient méprisés par les autres moines. Les regardant jouer, le patriarche les voyait disparaître et réapparaître constamment, ce qui constituait pour lui un signe qu’ils avaient atteint l‘illumination. A la fin de leur partie, ils expliquèrent pourquoi ils se consacraient exclusivement au go :
Nous considérons que, chaque fois que les noirs gagnent, les passions croissent dans nos corps, et que, lorsque les blancs gagnent, la bodhi [la compréhension] grandit dans nos cœurs – le blanc de la bodhi maîtrisant le noir de la passion. Nous profitons de l’occasion pour contempler l’impermanence. "

Par la suite, vers l’an mil, le go fut associé aux " trois grandes vertus " de la pensée philosophique de Confucius : honnêteté, intelligence et amour de l’humanité.

Historiquement, le go s’est répandu de Chine en Corée, puis au Japon vers les Ve et VIe siècles. Mais c’est au Japon qu’il acquit ses plus grandes lettres de noblesse. Le go devint peu à peu une voie – le kido, de la même manière que la voie du sabre, du tir à l’arc, ou de la cérémonie du thé. On raconte même qu’au XVIe siècle, les samouraïs emportaient leur jeu sur les champs de batailles pour étudier l’issue des combats entrepris.

En 1603, un bureau gouvernemental du go fut établi par le shôgun Tokugawa Ieyasu, qui nomma directeur de ce bureau le meilleur joueur de l’époque, le moine bouddhiste Nikkai, de la secte Nichiren (connu ensuite sous le nom d’Honinbo Sansa). La fonction de ce bureau était de veiller à l’épanouissement du go, d’organiser des tournois de démonstration, ainsi que de réglementer les rangs des joueurs.

Les go zen go ou shori go virent très rapidement le jour. Ces combats de châteaux où s’affrontaient les écoles de go, connurent une telle faveur qu’ils dépassèrent le stade de rendez-vous annuel devant le shôgun, pour se dérouler en présence de l’empereur. Sur le goban se réglaient des affaires d’honneur et de suprématie avec la même violence qu’un combat politique. En adoptant leur meilleur élève pour leur succéder et en lui léguant leur nom, les maîtres de go instaurèrent une tradition " familiale " qui se perpétua jusqu'au XXe siècle. Les représentants de ces quatre grandes familles (Honinbo, Yasui, Inoue, Hayashi) s’affrontaient alors pour le prestigieux titre de Meijin. De nos jours, parmi les grands tournois japonais (Meijin, Kisei, Honinbo et Judan) ; le Honinbo fait toujours référence à la " famille " fondée par Honinbo Sansa, même si ce titre est aujourd’hui décerné par la Nihon Ki-in, et, le Meijin a gardé tout son prestige !

Les liens entre le go et le bouddhisme sont maintenant presque disparus. Mais il arrive encore aujourd’hui au Japon qu’on joue des parties de go cérémonielles dans les temples. Selon la tradition, le moine Nichiren (fondateur de la secte du même nom) aurait joué les blancs contre un de ses disciples, dans la première partie de go enregistrée sur papier au Japon. Cette partie, jouée en 1253, ce serait terminée par un Jigo (match nul).

 

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