Mon interview dans :

" Le Courrier
des Echecs "

 

Joueur d’échecs par correspondance depuis de nombreuses années ;
j’ai été interrogé en juillet 2002, pour le journal " Le Courrier des Echecs ".
Cette interview, parue en novembre 2002 dans le CDE n°523, est retranscrite ci-dessous :

 

LA VARIANTE D’ECHANGES

(interview réalisée en juillet 2002)

 

Gilles Hervet : Ce mois-ci je reçois Laurent Lamôle sur les conseils de notre rédacteur en chef. Laurent est à l’AJEC (*) depuis 14 ans, et régulièrement, il nous gratifiait de quelques jolies prestations dans le CDE. Un peu plus discret depuis quelques années, il va nous livrer sa vision de l’AJEC et du JEPC.

 

Gilles Hervet : Bonjour Laurent, peux-tu nous donner ton curriculum vitae ?

Laurent Lamôle : Et bien, pour me présenter un peu, j’ai 38 ans, et suis célibataire. Je suis originaire du Val-de-Marne, mais je vis à présent sur Toulouse. Je suis ingénieur en logiciel embarqué dans le secteur aéronautique. Je travaille actuellement sur le pilote automatique des Airbus A340 et A330.

J’ai découvert le jeu d’échecs en étant adolescent, mais n’ai que peu joué à l’époque faute de partenaires. Je n’ai donc réellement débuté qu’en 1988, à Vernon (Eure), en me rendant compte par hasard qu’il existait un club d’échecs dans la ville ou j’habitais. Je suis alors devenu passionné par ce jeu, et ai joué aux échecs en club et en tournoi pendant 10 ans, en Normandie, en Ile-de-France, et à Toulouse.

 

GH : Comment es-tu arrivé à la Correspondance ?

LL : J’ai en fait découvert le jeu par correspondance très rapidement, en trouvant les coordonnées de l’AJEC sur une revue " Europe Echecs " qui était au club. Je suis donc devenu membre de l’association dès 1988, quelques mois seulement après mes débuts au club d’échecs de Vernon… et n’ai plus quitté l’AJEC depuis ! ! !

Le jeu par correspondance m’a tout de suite attiré par le plaisir qu’il procure lorque l’on reçoit un courrier d’un adversaire, et que l’on se précipite sur son échiquier pour étudier l’évolution de la partie. Cela permet de s’évader tout de suite de son quotidien, pour plonger dans un autre monde. Les échecs par correspondance représentent donc pour moi, un fil rouge ludique, dans la vie de tous les jours.

 

GH : Sur le plan échiquéen, où te situes tu aujourd'hui et quelles sont tes ambitions ?

LL : Je n’ai en fait que peu brillé aux échecs, atteignant au maximum 1830 ELO en club, et 2074 à l’AJEC. J’ai obtenu un ELO ICCF de 2265 en 1997, à une époque ou je jouais beaucoup par correspondance, mais je n’ai fait que baisser depuis ! Il faut dire que c’est à cette époque que j’ai découvert le jeu de go, qui à pris le relais des échecs, en tant que première passion dans mon esprit… Depuis lors, je ne joue plus aux échecs en club, mais j’ai gardé le contact avec le monde échiquéen, en restant membre de l’AJEC, et en jouant quelques parties pour le plaisir…

 

GH : Parle nous de cette passion pour le Go justement. Y a t-il des similitudes avec les échecs, ne serait-ce que l’état d’esprit avec lequel on aborde ce jeu ?

LL : Le jeu de go est le plus vieux jeu au monde, il aurait été créé en Chine il y a plus de 4.000 ans ! ! ! C’est le grand jeu de l’Orient, très populaire au Japon, en Chine et en Corée ; probablement d’avantage que les échecs en Occident, il est profondément ancré dans la culture de ces trois pays… Il y a là bas des joueurs professionnels et une télévision spécialisée. Le jeu de go est apparu en Europe et en France dans les années 1970, et s’y diffuse petit à petit. Je suis personnellement vice-président du club de go de Toulouse.

Le go est très différent des échecs par son état d’esprit : c’est plus un jeu de partage que de domination. C’est un jeu un peu moins tactique que les échecs, mais certainement plus stratégique ; un peu moins combinatoire, mais certainement plus intuitif. Malgré tout, on retrouve beaucoup de similitudes entre le go et les échecs : les notions de contrôle de l’espace, d’initiative, d’évaluation de la position courante, de calcul des différentes variantes et des suites possibles, etc…

 
GH : Avec cet esprit joueur et aussi curieux , l’idée de monter un tournoi open de Random Chess (où les pièces sont positionnées de façon aléatoire sur la première rangée) à l’AJEC te séduirait-elle ?

LL : Absolument ! ! Cette idée a d’ailleurs été présentée il y a longtemps, dans un ancien CDE, et j’avais alors répondu favorablement… Mais devant le trop petit nombre de candidats, le tournoi n’avait pas été lancé… Je trouve pourtant cette idée excellente pour retrouver une certaine fraicheur d’analyse… Cela doit être séduisant de regarder l’échiquier avec un œil neuf, et de devoir élaborer une stratégie dès les premiers coups… De plus, je préfère défier les cellules grises de mon adversaire, plutôt que sa bibliothèque ou son logiciel d’échecs !

GH : Je vais m’arranger pour que l’on monte ce tournoi " thématique " en 2003.

 

GH : Il y a 3 ans tu étais abonné au CDE, et plus maintenant, pourquoi ce choix ? Après tout, le surplus abonnement n’est pas très coûteux, et la lecture reste un plaisir, non ?

LL : Je trouve clairement que le contenu, ainsi que la présentation du CDE se sont très nettement améliorés ces dernières années… Si j’ai arrêté mon abonnement, c’est simplement parce que je me suis apperçu que mes différentes activités ne me laissaient plus le temps de le lire. Mais je reste informé de l’actualité de l’AJEC via son site web, qui a lui aussi gagné en qualité depuis quelques temps !

 

GH : Justement, je saisis la balle au bond. Qu’apprécies tu le plus sur ce site web ?

LL : Et bien, j’apprécie d’y retrouver les annonces de tournois et rencontres internationales… je viens par exemple de m’inscrire par ce biais au match contre Afrique et l’Asie. Je trouve pratique de pouvoir consulter sur le site, le classement AJEC à jour, et, c’est aussi agréable d’y lire quelques articles intéressants. Il reste encore à rendre ce site plus interractif, pour qu’il devienne un lien réel entre les adhérents disposant d’Internet…

 

GH : Du reste, es tu plutôt un joueur postal ou internet ? il me semble que l’on a atteint un bon équilibre pas, loin de 50/50 à mon avis.

LL : Effectivement… En tant que " vieil " adhérent de l’AJEC, j’ai forcément beaucoup joué par courrier postal au début, mais j’ai toujours été attentif aux nouveaux moyens de communication de masse. Il y a quelques années, j’avais envoyé au CDE un article sur la possibilité de jouer par Minitel. Aujourd’hui, c’est Internet qui s’impose au grand public… c’est un moyen de communication rapide, bon marché, et universel !

Je le trouve donc particulièrement adapté pour les tournois internationaux… Ceci dit, je pense que l’AJEC doit permettre à chaque membre de jouer à son rythme, et comme il l’entend. Le courrier postal doit donc rester le standard de base du jeu par correspondance, tout en permettant à ceux qui le souhaitent d’utiliser Internet… De mon coté, j’utilise aujourd’hui la voie postale pour la Coupe de France, et Internet pour l’international !

 

GH : Côté international, quelles sont les compétitions qui t’attirent ?

LL : Déjà, je dois dire que j’apprécie beaucoup le jeu international : c’est pour moi un attrait supplémentaire du JEPC, que cette possibilité de rencontrer des personnes du monde entier, partageant la même passion pour ce jeu ! Par voie postale, j’ai joué pas mal de tournois européens (EU), mais, depuis l’apparition du jeu par Internet, je me suis lancé dans les tournois mondiaux par e-mail. J’apprécie également beaucoup les rencontres internationales par équipe, avec en sus la motivation de représenter son pays… Sinon, j’attend avec impatience la rencontre contre l’Afrique et l’Asie, avec un parfum d’exotisme au menu ! ! !

 

GH : Je change de colonne pour passer à l’aile dame…comment trouves-tu la situation de l’AJEC, ou du moins de ce que tu en connais ? Tu as le droit de me poser une question, et je ne prendrai pas en passant, promis !

LL : Comme on me donne la parole, j’avoue être rassuré que le coup d’état quasi-militaire de Monsieur Bridier en 2001 aie échoué. Avec un tel programme d’exclusion, et de telles idées rétrogrades, l’AJEC courrait à sa perte en quelques mois… j’aurais personnellement bien vite quitté l’association ! Je me félicite donc de la victoire du bon sens et des idées d’ouverture. Maintenant, je ne sais pas trop ou en est l’AJEC actuellement. La baisse des effectifs a-t-elle été résorbée ?

GH : Malheureusement, la baisse des effectifs n’a pas été endiguée. On peut juste se réjouir du fait que la chute s’est ralentie. Alors que l’on perdait plus de 100 membres par an depuis 10 ans, l’année 2002 va se solder par une baisse de 45 membres. Je pense que l’arrivée massive de joueurs voulant jouer par internet a quelque peu freiné cette baisse. Il faudra persévérer dans cette voie notamment pour attirer un potentiel de joueur énorme je crois.

 

GH : Puisque l’occasion t’en est donnée, as tu une suggestion à faire aux dirigeants de l’AJEC ?

LL : En fait pas vraiment… La politique de l’équipe dirigeante de l’AJEC, me semble aller dans la bonne direction. Peut être faudrait il faire un effort de promotion dans les clubs d’échecs pour faire d’avantage connaître l’association ? Par ailleurs, comme je le disais précédemment, je pense qu’il est important de réaliser un site web attractif et convivial. C’est un moyen de communication moderne, de plus en plus répandu, et qui ne coûte pratiquement rien, en dehors du temps qu’il faut y consacrer.

 

GH : Effectivement, j’ai essayé de contacter la FFE notamment, pour mettre en place un projet de tournoi semi-rapide par correspondance à élimination directe, comme le principe championnat du monde FIDE. Mais la FFE ne m’a pas répondu à ce jour….Il y a aussi un championnat de France des clubs qui a démarré cette année. Plus de 800 clubs avaient été contactés par courrier, mais seulement une quinzaine ont répondu présent.On espère que cela fera des émules pour les éditions suivantes, et que des joueurs se rapprocheront de l’AJEC. Je crois que la promotion autour de ce genre de manifestation doit être plus importante pour mieux nous faire connaître et montrer le sérieux de nos projets.

Dans la région toulousaine, il y a quelque clubs. As tu l’occasion de faire la promotion de l’AJEC ?

LL : C’est une très bonne idée que de monter un championnat de France des clubs… Car si des joueurs y participent pour leur club, il en parleront forcément autour d’eux, et cela peux faire un effet boule de neige ! Il serait aussi intéressant d’avoir un stand AJEC dans les grandes manifestations échiquéennes du style " championnat de Paris ", ou dans des grands open de province. J’ai effectivement eu l’occasion de parler de l’AJEC quand je jouais en club, et beaucoup de mes interlocuteurs ne connaissaient même pas l’existence de l’association ! ! !

 

GH : Le Jeu par Correspondance t’a-t-il permis de garder un contact suivi avec quelqu’un en particulier ?

LL : Oui… j’ai en particulié joué pendant 5 ans avec Thierry Bertola de Bruxelles, et pendant 9 ans avec Bernard Bouyt de Toulouse ! Mon contact avec Bernard Bouyt est d’ailleurs assez surprenant : nous avons commencé à jouer par correspondance alors que nous étions dans le même club à Toulouse, puis je suis parti en Ile-de-France, et nous avons continué à jouer ensemble… et c’est étonnement au moment ou je suis revenu sur Toulouse que nous avons perdu le contact ! ! Sinon, je profite de l’opportunité qui m’est donnée pour regretter la disparition des " matches défis " ou " parties libres ". C’est ce genre de rencontres qui permettent justement de garder le contact avec un ami…

 

GH : Tu as dit que tu faisais des logiciels embarqués sur les avions. A quand un jeu d’échecs pour se distraire sur les vols long courriers ?

LL : Et bien, pourquoi pas en effet ? ! J’ai déjà emprunté des vols ou il y avait un logiciel de Morpion et d’Othello pour distraire les passagers ; un jeu d’échecs électronique est donc tout à fait possible ! ! ! Par ailleurs, sur le futur Airbus géant (l’A380), des possibilités de connection à Internet sont envisagées, alors pourquoi pas jouer en direct aux échecs, contre un adversaire " terrestre " à l’autre bout du monde ! ?

 

GH : As tu une petite partie pour nos lecteurs qui ne te connaissaient pas ? Et je te remercie pour cette petite joute qui fût un réel plaisir pour moi.

LL : J’ai également apprécié ce petit exercice de style ! Quand aux parties d’échecs, il y en a plusieurs que j’ai aimé jouer et dont je suis fier… Je vais tout de même sélectionner la partie suivante, qui est parue dans le CDE n°423 en octobre 1993, et dans le Chess Correspondence Yearbook n°10.

Laurent Lamôle – Alain Caille

2e tour de Coupe de France,
correspondance 1993

Partie Anglaise

1. c4 Cf6 2. Cc3 g6 3. g3 Fg7
4. Fg2 0-0 5. e4 d6 6. Cge2 e5
7. 0-0 Cbd7 8. d3 c6 9. b4 Cg4
10. h3 Ch6 11. a4 f5 12. exf5 gxf5
13. f4 Cf6 14. fxe5 dxe5 15. Tb1 Fe6
16. b5 Dc7 17. Fe3 c5 18. a5 Tad8
19. Dc1 f4

 

20. b6 ! ! axb6 21. Txb6 fxe3
22. Txe6 Txd3 23. Cd5 ! ! Dd8
24. Cxf6+ Txf6 25. Texf6 Fxf6
26. Fxb7 ! Dd7 27. Db1 ! Td2
28. a6 Dxh3 29. Fg2 ! Dh5
30. Txf6 ! !

1-0

[30. … Cg4 31. Db8+ Rg7 32. Df8#]

Pour finir, si des personnes qui lisent cet article veulent me contacter ou me re-contacter, je vous donne mon adresse e-mail :
lorl(a)free.fr

 

(*) notes sur les abréviations :

AJEC : Association des Joueurs d’Echecs par Correspondance

CDE : Courrier des Echecs (c’est la revue mensuelle éditée par l’AJEC)

JEPC : Jeu d’Echecs Par Correspondance

ELO : mode de classement des joueurs d’échecs

ICCF : International Correspondence Chess Federation

FFE : Fédération Française des Echecs

FIDE : Fédération Internationale des Echecs

 

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